La Béninoise : en bouteille ou en pagne ?

Article : La Béninoise : en bouteille ou en pagne ?
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27 janvier 2015

La Béninoise : en bouteille ou en pagne ?

La béninoise, vous la préférez comment : en pagne ou en bouteille ?
(Question ‘‘mâle’’ posée ; mesdames, passez votre chemin !)
Préambule.

Précision : je n’ai pas écrit cette histoire pour raconter des histoires ; encore moins pour chercher des histoires. C’est juste histoire de vous faire un cours d’histoire sur l’histoire d’une vie. Ou, plus exactement, l’histoire de quelques vies. La leur, la sienne, la mienne, etc…

Après avoir dit cela, il n’y a aucune incohérence, mais alors aucune, à préciser que toute ressemblance entre les personnages de cette histoire et des personnes existant ou ayant réellement existé, n’est que pure coïncidence. Que les litres de béninoises qui circulent dans mes artères ou veines au moment où j’écris ces lignes soient inscrites dans la conscience collective comme une preuve de l’authenticité de ce délire éthylique…
Cette histoire se déroule à une période qu’il vaut mieux ne pas chercher à situer. Comme j’en ai pris la fâcheuse habitude, ce vendredi-là, j’ai élu domicile à « La Sorbonne » (Atalakou : j’ai une tête plutôt bien pleine et un estomac toujours vide ; tout ceci pour préciser que je parle non pas de La Sorbonne de l’Hexagone, mais bien de La Sorbonne du Stade de l’Amitié de Kouhounou, à Cotonou au Bénin).
Comme je le disais donc, je cire mes airs à La Sorbonne ce vendredi-là et je m’amuse à compter le nombre de béninoises que ma bedaine peut engloutir en une soirée. Quelques amis qui se reconnaîtront me tiennent compagnie. Au moment où j’attaque ma treizième bouteille, l’aiguille de ma montre coure vers la quatorzième heure de la journée. A cet instant, une voix que seuls les disciples de Bacchus peuvent entendre me parle : « Boire sans manger, c’est mauvais dèh ! »
Je réalise alors à quel point j’ai faim. Fin de la partie de « coude-en-l’air » pour moi. Je me lève, je fais un signe convenu à l’ami qui doit se charger de régler l’addition, et je prends congé de mes amis sans prendre les nouvelles de la quatorzième béninoise en bouteille que s’apprêtait à me servir une béninoise en pagne de toute beauté.
Crime abominable quand on vit à Cotonou : je ne sais pas parler Fongbé. Au moment de partir, une idée me vient à l’esprit. Je retourne donc sur mes pas. Je fais un signe de main à l’un des amis, le plus intime de tous, Mahoutin. Il se lève de la table où les autres sont affairés à violer allègrement le contenu, qui de la douzième bouteille, qui de la quatorzième, etc. Une fois Mahoutin et moi à l’écart d’oreilles indiscrètes, je lui livre ma requête. Il me délivre sa recette. Je fais ensuite quelques essais. Il me dit : « c’est bon, ça peut aller ». Je réponds à son sourire par le mien, fier d’avoir enrichi mon pauvre vocabulaire en Fongbé.
Je prends ensuite la route. Direction : le domicile d’un couple qui m’est ami et qui habite à Zogbo, à un jet de pierre de La Sorbonne. Sur les lieux, je trouve Sweety, ma meilleure amie, la petite amie d’Etienne.
Elle est seule à la maison. Je suis seul, sans ma raison. Et ça tombe d’autant plus bien qu’elle revient de la cuisine. Alors, je m’approche d’elle, dans l’état d’ébriété que chacun peut deviner. J’ouvre tendrement mes bras et, en lui lançant le plus enflammé des regards, je lui déroule la phrase dont je venais d’enrichir mon vocabulaire fongbé :

– Wo vè towé no sin mi

Dans la seconde qui suit, j’ai l’impression que ma joue gauche a pris feu. L’oreille siffle comme le gyrophare de la voiture d’un ministre pressé d’aller acheter quelques bananes mûres.
Je n’ai pas encore totalement récupéré mes esprits quand mon ami Etienne fait son entrée. J’ai toujours ma main droite sur ma joue gauche où la main de Sweety vient de faire un passage inoubliable. Voyant dans quel état de rougeur est ma joue, Etienne me demande ce qu’il s’est passé.
– Mon frère, qu’est-ce que tu veux que je te dise ?! Demande à ta Sweety. J’arrive ici, le ventre en feu et je lui dis : « Wo vè towé no sin mi » et….

Je n’avais pas encore achevé ma phrase que la rugueuse paume de main de mon ami Etienne, s’est abattue sur ma joue droite avec une violence inouïe… Et je précise ici qu’il est gaucher et ancien concasseur de cailloux dans les carrières de Savalou…
La puissance de son geste est telle que je me retrouve propulsé dans les airs pour atterrir, heureusement pour moi, dans le canapé. Je suis sonné, hébété, abasourdi, médusé. L’effet de treize bouteilles de béninoise disparaît instantanément et je retrouve toute ma lucidité.
Un doute me vient à l’esprit. Dans un éclair d’inspiration, je dégaine mon téléphone, pianote le numéro, lance l’appel. Une fois tout ceci fait, je porte avec peine mon téléphone à l’oreille la moins brulante (celle visitée par la main de sweety), attendant la réponse à l’autre bout du fil. Elle vient. Rapidement.

– Allo, chéri !
-Oui, allo chérie, dis-moi, que veut dire : « Wo vè towé no sin mi » ?

Ayant écouté ce que je viens de dire, Etienne jette un regard à Sweety. Sweety regarde Etienne. Ils ont compris. Pas moi. Dans un mouvement synchronisé, les deux tourtereaux braquent leur regard dans ma direction. A l’expression d’étonnement sur leur visage, j’ai le faux pressentiment que ma joue va encore passé un sale moment. Sans entendre ni attendre la réponse de ma chérie à moi à l’autre bout du fil, je rassemble toutes les forces qu’il me restait et je prends mes jambes chancelantes à mon cou pour me sauver par la porte restée ouverte.
– Yann, attends ! me fait Étienne, imité pas Sweety.
A quoi je réponds pour moi-même : « Qui est fou ? On ne meurt pas deux fois », et je réussis à fendre l’air, poursuivi par Étienne. À peine dix mètres plus tard, Étienne me rattrape.
-Étienne, si tu me touches…, fis-je en protégeant mes joues de mes mains.
J’avais l’air aussi menaçant qu’un mouton effarouché qui essaye de faire peur à un tigre dont il est le captif.
Pour toute réponse, Etienne me sourit. Je l’ai dit, il avait compris…
Pauvre de moi ! C’est à cet instant seulement que j’ai moi aussi réalisé l’erreur monumentale que j’avais commise en demandant à mon espiègle ami, amateur de blagues à deux balles, ce faux type de Mahoutin, de m’apprendre à dire l’expression « J’ai faim » en Fongbé.

NB : pour les amis d’infortune qui lisent cette histoire à laquelle ils ne comprennent rien parce qu’ils ne comprennent pas le FON, il me plait de réduire les limites de votre ignorance. L’expression : « Wo vè towé no sin mi… » veut en réalité dire « J’ai faim de toi ». Mais en le prononçant et faisant foi à la traduction de mon ami Mahoutin, je croyais dire par cette expression : « j’ai faim… », ou encore : « j’ai envie de manger »…eh oui !

Ceci dit, ce que je dois préciser dans cette histoire, malgré moi croyez-le, c’est que, quelques jours après ce malentendu vite dissipé, j’ai rendu visite de nouveau à ma meilleure amie, la petite amie d’Étienne, Sweety.
Ce jour-là, à mon arrivée, Sweety sortait, non plus de la cuisine, mais cette fois-là de la douche, les rondeurs soigneusement emballées dans un joli pagne Vlisco. Sweety c’est une amie de longue date. Plusieurs fois, il est arrivé qu’elle prenne sa douche, se déshabille et se rhabille en ma présence sans que la température de mon corps varie d’un centime de degré Celsius. Je plains ici les idiots qui me prendront pour un idiot.

Afin… Bref ! Ce jour-là, elle me regarde, me lance un sourire intriguant et me demande si je n’étais vraiment pas conscient de ce que traduisait réellement l’expression « Wo vè towé no sin mi », quand je l’ai prononcée la première…et dernière fois. Comme je ne lui réponds pas, elle me traverse sans gêne sur le seuil de la porte de sa chambre, va prendre une bouteille de béninoise dans le frigo et revient déposer ladite bouteille sur la table dans la chambre. Je suis toujours adossé à l’entrée de la porte, façon Lucky Luke. Une fois la béninoise en bouteille bien mise en évidence sur la table, elle se retourne vers moi, me jette un regard de défi et me lance ces mots qui resteront à jamais gravés dans mon esprit.
– Aujourd’hui, tu vas me dire ce que tu préfères le plus : Béninoise en pagne ou une béninoise en bouteille ?
Ayant dit ces mots, Sweety a dénoué et renoué délicatement son pagne, offrant au passage à ma vue le spectacle de ses formes généreuses sous un angle que je n’avais jusque-là jamais osé l’explorer. A la vue du fugace spectacle, mon sang s’est figé dans mon corps. Je me suis braqué. Eh oui, j’étais là, DEBOUT (et quand je dis ‘‘debout’’, ça veut dire ‘‘debout’’ !), de tout mon corps !

Devant mes yeux, sur une table, une béninoise en bouteille, fraichement sortie du réfrigérateur. Et, non loin, à côté du lit, une béninoise en pagne, fraichement sortie de la douche…

J’ai dû prendre la décision la plus doucereuse…euh…douloureuse de ma vie ce jour-là…
Cette scène s’est produite cinq jours après l’incident-aux-gifles du couple Étienne/Sweety
Retour au présent. Ce matin, cinq années plus tard, Étienne, l’éternel petit ami de ma meilleure amie, ce cher Étienne disais-je, m’a rendu une visite de courtoisie. Il était en compagnie de sa Sweety chérie et du petit et mignon Joël, le premier fruit de leurs confessions nocturnes. Au cours de nos causeries, une fois encore, Étienne m’a gratifié de cette phrase que mes oreilles supportent de moins en moins.
– Ah, mon cher Yann ; ma Sweety et Moi-même t’aimons tellement que même notre fils s’est joint à ce concert d’amour : regarde-le, on dirait toi, Yann, quand tu avais environ cinq ans !

Il a dit tout cela avec un sourire inquisiteur. Puis il a tendrement posé le regard sur moi. J’ai détourné les yeux pour poser tendrement le regard sur Sweety. Elle a détourné les yeux et porté son tendre regard vers le ciel…
Voilà l’histoire de la faim. Fin de l’histoire !
Colince Yann, voyou un jour, voyou pour toujours !

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