La jeunesse n’est pas un diplôme

Article : La jeunesse n’est pas un diplôme
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16 février 2015

La jeunesse n’est pas un diplôme

En 1990, le Bénin a enrichi le glossaire de la politique d’une nouvelle expression, «conférence nationale», initiée et réussie avec le panache que l’on sait. Aujourd’hui, un quart de siècle après, une certaine jeunesse béninoise a décidé elle aussi d’innover.

Passer de jeunes activistes chauds et bouillants sur les réseaux sociaux à députés à l’Assemblée nationale : voilà le défi que veulent relever Tikpa John Koffi Alexandre (alias Alexandre John le sénateur), Adjegnide Milohin B. Bienvenu, et Houedjeclounon Alexandre (alias Alex Capo, alias Force six). Une démarche qu’ils justifient essentiellement par une nécessité pour la jeunesse béninoise de prendre son destin à main. Toute chose qui se traduit selon eux et, entre autres, par une présence plus conséquente de jeunes députés à l’Assemblée nationale. Ce faisant, ce sympathique trio qui poursuit le rêve fou de passer du monde virtuel au monde réel avec la mention ‘‘Honorable’’, se pose clairement en porte-voix et porte-étendard d’une jeunesse qu’ils estiment être à même de représenter au Parlement béninois dès la prochaine législature. Soit !

Fred Adriano Gwladys Houenou

Un autre jeune, Fred Adriano Gwladys Houenou, exhibe sur la Toile un CV aussi long que ces années de recherche infructueuse d’emploi stable et grassement rémunéré. Lui au moins ne s’est pas construit sa popularité (ou plus exactement, son impopularité) sur les réseaux sociaux. Le jeune Fred était d’ailleurs hier sur l’émission « Zone France » d’une télévision de la place à Cotonou, pour faire le bilan de ses dix années d’activisme politique. De lui, une certaine frange de l’opinion dresse le portrait d’un sympathique prestidigitateur du verbe aux tours de passe-passe qui auraient laissé des traces aigres-douces sur le compte bancaire des hommes politiques qui se sont laissé prendre à sa verve rhétoricienne. Fred serait aussi fidèle en amitiés politiques que peuvent l’être les prostitués en amour, et ce n’est pas de l’ironie. Lui-même reconnaissait hier sur Zone Franche la méfiance qu’il inspire aux hommes politiques de la mouvance présidentielle et un sentiment à la limite du dédain qu’il susciterait chez les opposants. Ce qui nous situe sur le niveau de sa cote de confiance au sein de la classe politique. Paradoxalement, ils sont nombreux ces leaders politiques prêts à casser leur tirelire pour avoir Fred Houenou dans leur escarcelle, un peu comme s’il s’agissait de faire définitivement la preuve que la politique serait un bal de faux-culs où avoir l’esprit retors serait plus un atout qu’un inconvénient. Bref, Fred est jeune, il a la prestance, il a le verbe haut, il manie la phraséologie avec bon allant et, plus important, il sera candidat aux  élections législatives du 26 avril prochain. Pour porter la voix de la jeunesse… et ceci n’est pas de l’humour !

Chabi Yayi Georges Nassim (Cygn)

Vite dit, bien dit, le meilleur pour la fin. ‘‘Cygn’’, signe des temps qui courent, Chabi Yayi Georges Nassim (Cygn) est également annoncé comme candidat aux législatives. Lui aussi est jeune, lui aussi inscrira sa démarche dans une logique de promotion de la jeunesse. Mais un détail fait (et fera ?) toute la différence : Chabi Yayi est le fils du président de la République, Boni Yayi. Tout est dit ! (Comme on le dit ici au Bénin, ‘‘personne ne mangera son piment dans ma bouche’’). Rien à ajouter !
Maintenant, quelques observations rapides sur ce casting fantasque. Alex Capo, doctorant, est une tête plutôt bien faite. Bienvenu Milohin, Ape, pas un inconnu au bataillon du combat militant. Il est un symbole d’une jeunesse pressée (trop pressée ?) d’être aux affaires. S’il en est un qui peut dire merci à Facebook, John le sénateur ne rechignera pas à la tâche. Sur la destinée de Chabi Yayi, on est tenté d’aller relire ‘‘Les Destinées’’ d’Alfred de Vigny. Pour sa part, Fred Houenou est peut-être ce qu’on dit qu’il est, qu’importe, il faut un peu de tout pour faire un monde.
Mais pardon, on n’atterrit pas à la représentation nationale comme un cheveu tombe dans la soupe. A leur décharge, certains diront qu’il y a eu des précédents plus dangereux. Mais un tel raisonnement qui emprunte au nivellement par le bas peut, à terme, conduire à un résultat totalement contraire à la vision défendue. Il ne faut pas donner de la jeunesse l’image d’une couche sociale devenue rêveuse et lunatique, ou racoleuse ou capricieuse pour ce qui peut être de cette jeunesse de bonne naissance qui se croit tout permis et s’autorise cette hâtive conclusion que tout leur est permis. Le cas échéant, à qui la faute ?

PS: Dire tout ceci et s’en arrêter là serait travestir la réalité. Ce casting ne saurait être représentatif d’une couche juvénile qui regorge de talents qui ne demandent qu’à être valorisés. Docteur à 23 ans, jeune astrophysicien béninois au génie sollicité de par le monde entier à moins de 30 ans, artiste au sommet, geeks, mathématiciens, etc.,  nous consacrerons bientôt un billet à ces jeunes Béninois qui excellent chacun dans leur domaine d’activités et passent pour certains pour des références continentales, voire mondiales. Ces authentiques porte-flambeau qui n’ont pas décroché leurs lauriers en mettant uniquement en avant la fraîcheur de leur acte de naissance. Ces jeunes qui font modèles pour la jeunesse et la société, mais pas en brandissant le thème « je suis jeune » comme leur principal fait d’armes. Parce que la jeunesse, ce n’est pas un diplôme, ce n’est pas seulement une étape de la vie, c’est un parcours rectiligne et cohérent, ce sont des valeurs, c’est un mérite à faire savoir, c’est un savoir-faire à faire valoir…
Et porter la voix de la jeunesse, ça ne s’autodécrète pas : ça se mérite. C’est ce que je crois !
Colince Yann, pour Rfi/Mondoblog

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Commentaires

Amos Mahunan
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hahahahahahahahaahah, La partie de Fred houenou me tue "qui auraient laissé des traces aigres-douces sur le compte bancaire des hommes politiques"